Dans les années qui ont suivi 1918, les Angrois figurant sous la bannière libérale ou socialiste étaient désignés sous le vocable de pouches rompus
tandis que
l'opinion catholique l'était sous celui de raplatis
.
Il est difficile de s'épanouir, quand on naît à Angre en 1843 d'une famille d'agriculteurs. Après les études primaires, en effet, il faut se mettre au travail, et
l'on n'a point le loisir de parcourir les livres. Et pourtant Théodore Bernier aime la lecture, les classiques surtout. Il leur reste fidèle quand, à quatorze ans, il
devient apprenti peintre... en bâtiment. Cet attachement va lui permettre bientôt d'entrer, comme employé, à la librairie Manceaux, à Mons.
Théodore Bernier prend part à des fouilles près de son village ; il en entreprend lui-même, fait des trouvailles. On commence à le connaître. Il s'attache à une œuvre
maîtresse : le « Dictionnaire historique des communes du Hainaut » (1879 et 1891), prend part au rassemblement des archives provinciales.
Il écrit beaucoup, donne des conférences. Mais son attachement au terroir le ramène sans cesse à Angre, où il crée un musée, ouvre une bibliothèque. En 1888, il
fonde, à Quiévrain, en collaboration avec Émile Vanden Bussche, un hebdomadaire : « la Frontière du Hainaut ». Il laissera à sa région la conscience de son patrimoine
et de ses richesses.
Charles Théodore Bernier
Charles Théodore Bernier fils de Théodore, lui aussi va aimer passionnément Angre et travailler, chaussé de sabots, dans la maison paternelle, où la mort viendra
le surprendre en 1950, à l'âge de septante-neuf ans.
Il faut dire que Charles avait été fortement encouragé vers les arts par son père, et qu'après les leçons d'un professeur de Cousolre, il se distingue vite à l'Académie
de Mons, comme graveur et aquafortiste.
A peine âgé de vingt ans, Charles participe au Concours de Rome. Une première place et un deuxième prix, à défaut du premier non distribué, marquent le départ d'une
carrière brillante. Il passe à l'école des Beaux-Arts de Paris, et ses gravures sont reçues comme autant de chefs-d'œuvre aux Salons de la Ville Lumière. Sa renommée
dépasse les frontières. Charles Bernier enseigne à l'Académie de Mons. Il sera, avant l'heure, artiste engagé, ami des humbles. Le 9 août 1908, son village lui rend
un hommage vibrant, à l'initiative de Emile Verhaeren, à qui le lie une amitié profonde. Toute la Belgique des Arts et des Lettres se donne rendez-vous sur les bords
de la Honnelle pour honorer le chef de l'école montoise de gravure.
Jusque dans les moindres nuances, écrit Paul Ereve dans « Au Pays des Deux Honnelles », Charles Bernier atteint la vérité de l'expression la plus fugitive. Il manie le
burin à la loupe, avec une légèreté telle que, dans le portrait, par exemple, l'acuité ou la douceur d'un regard est rendue jusqu'à y surprendre toute la finesse d'un
état d'âme.
Charles Bernier a silhouetté, surtout, les villageois qui l'entouraient. Il a, aussi, gravé les portraits de personnages illustres, des tableaux, des projets de
restauration de monuments et de façades.
Le monument que lui a élevé Angre, dû au ciseau d'Elie Raset, a été inauguré en 1908.
Avec son père Théodore, Charles a œuvré avec talent et illustré le terroir.