ANGRE VILLE DU HAINAUT BELGE

Angre d'hier et d'aujourd'hui

ANGRE, HISTOIRE, PATRIMOINE

Textes extrait de "Le vent des Honnelles m´a dit..." de Mrs Alain Audin et Charles Cambier

GEOGRAPHIE

Nom, variantes, étymologie

Angre, village accidenté, traversé par une Honnelle capricieuse, s'appelait déjà de cette façon en 1138 et en 1153.
Son nom a évolué ainsi à partir de la forme Engra ou Angra, signalée dès 870 vers Dangre en 1149 et 1189.
Angre, Angra (ou Angara qui est aussi une rivière sibérienne qui prend sa source au lac Baïkal et constitue l'un des affluents les plus puissants du Fleuve Iénisseï)

On constate que nombre de localités, situées à des endroits géographiques comparables, ne possèdent aucune ressemblance avec le terme Angre dans leurs racines. Angre pourrait bien venir du latin « angulum », qui signifie angle, coin, sinuosité. Cela paraît vraisemblable si l'on songe au travail incessant des eaux de l'impétueuse Honnelle et aux méandres qui en sont nés. La rivière a sapé le sol, et creusé la vallée ou s'est blotti te village.

Pour Albert Carnoy, Angre, comme sa consoeur française d'Angers, aurait une racine germanique : Anger, c'est-à-dire prairie.

Eugène de Seyn, pour sa part, situe l'origine d'Angre dans le nom d'Anager, d'où viendrait le vocable « Angera villa » et sa contraction Angra.

Situation

Le village se situait sur des voies unissant Bavay à Gand par Sebourg, Escaupont et Tournai, il était beaucoup plus étendu, occupant Onnezies et le hameau de Boutegnies.

A Angre, fossés et étendues relativement planes alternent. Les Celtes, dit-on, préféraient circuler entre des versants de fossés, d'où l'existence de chemins en fondrières, ainsi justifiés autrement que par la stratégie romaine des routes aménagées sur les crêtes de séparation des eaux.

Sol

Le sol angrois, uni à l'Ouest, possède des coteaux très accidentés et des gorges profondes où coule l'eau. Lieu privilégié, donc, et où l'homme ancien s'installe. Les Nerviens y vivent de leurs industries de la pierre et de la chaux, cette chaux qui unit encore et si bien les vieilles pierres de Bavay.

Hydrographie

Dévalant de 150 mètres au niveau 39 en quelques kilomètres, la Honnelle se grossit de plusieurs petits affluents, tel le ruisseau de Roisin et le fameux ruisseau de Saint-Pierre. Ce dernier prend sa source vers Autreppe, dans les marais des Queminiaux, et possède un petit affluent : le Carioteux.

Industrie

Angre a perdu beaucoup de sa substance avec l'exode rural.
Pays du tabac, elle a vu fermer la dernière entreprise du genre en 1918. On ne parle plus des brasseries, et le « cheval d'Angre », spécialité de jadis, n'existe plus. Les carrières de la Honnelle sont parties, comme les fours à chaux, les moulins, les marbreries.
Quant aux recherches de houilles maigres ou grasses, menées sur son territoire pour la dernière fois en 1860 par un certain Jaumelle, de Liège, elles n'ont été qu'un épisode vain.

En 1808, Hubert LAUNOIS créait à Angre la première fabrique du pays.

En 1968, la cessation des activités de la firme Payen à Angre a mis fin à l'industrie de la chicorée, qui avait fait son apparition en 1776 à Lessines où deux médecins, Bruneau et de Harvengt, lui avaient dévolu un usage médical et qui fut longtemps caractéristique du Haut-Pays.

La chicorée

En 1806 les guerres napoléoniennes et le blocus continental ayant rendu difficile l'importation du café depuis les colonies, on eut l'idée de remplacer cette denrée devenue rare par la racine de chicorée torréfiée. Mélangée au café, celle-ci donnait une mixture d'un goût agréable.
Il fallut attendre 1808 et Hubert Launois pour voir la chicorée faire son apparition en Haut-Pays. Bourgmestre d'Angre, ce novateur comprit rapidement le parti qu'il pourrait tirer de la torréfaction des racines.
Agriculteur, Hubert Launois installa une fabrique rudimentaire, avec une meule mue à bras d'hommes. Six années plus tard, il la remplaça par un manège tiré par des chevaux. L'année 1814 fut donc retenue comme date de création officielle de la fabrique. vingt ans avant « Pacha ».
L'exemple étant donné, de nombreuses petites fabriques furent créées. Mais si l'on excepte Launois qui abandonna résolument la ferme pour devenir un industriel de la chicorée, celle-ci constitua surtout une activité subsidiaire pour quelques agriculteurs.
Hubert Launois installa sa première fabrique à la rue du Brisac dans les bâtiments où allaient s'installer, en 1825, les premières écoles communales.
Cette année-là, Ferdinand Launois, le fils d'Hubert, installa une nouvelle fabrique dans une ferme de la rue Grison. La firme Launois y resta jusqu'en 1863, année où Catherine Geronez, l'épouse de Ferdinand décédé peu auparavant, fit édifier les bâtiments qui allaient abriter la torréfaction jusqu'à la cessation des activités de la firme au début des années 1960.
C'est dans ces nouvelles installations, que madame Catherine Geronez instala la première machine à vapeur en Haut-Pays, ce qui lui donna un avantage considérable sur ses concurrents.
A ce moment apparut le premier nom de marque de la firme, « Cafés-chicorées de Java-Launois Frères ». De gros camions bâchés remplacèrent les petites charrettes du début avec la mention « Launois Frères ».
On en arriva ainsi à 1875, année où huit fabriques sont localisées à Angre. Deux d'entre elles fonctionnent à la vapeur, et l'ensemble occupe quarante ouvriers qui produisent un million de tonnes de chicorée par an. Avec Charleroi et Lessines, le Haut-Pays d'Angre constitue la seule région du Hainaut qui se consacre à la chicorée. A l'époque celle-ci était encore cultivée sur place par les fermiers mais peu à peu on en a abandonné la culture et importé des Flandres les racines lavées, coupées et séchées ou « cossettes ».
La fabrique Launois a poursuivi son essor sous la direction de Philibert Launois (1831-1908) et d'Emile-Ferdinand Launois (1845-1899). A la mort du second, Philibert laissa la direction de la firme à son fils Louis (1868-1918). Ce dernier entreprit de moderniser l'entreprise et fit remplacer l'ancienne machine à vapeur par une nouvelle permettant d'intensifier la production. A la suite de l'installation de la ligne de chemin de fer Dour-Bavay en 1882, il adopta un nouveau nom de marque : « La locomotive » auquel il ajouta quelque temps après « Launois-Wallon » joignant le nom de son épouse au sien, afin de distinguer sa firme de celle d'un autre fabricant du même nom.
Avant la première guerre mondiale, Launois employait à lui seul vingt-huit personnes, hommes et femmes, celles-ci se chargeant de la mise en paquet, devenue une activité très importante. Les hommes, eux, se répartissaient en camionneurs, employés et surtout ouvriers brûleurs, spécialistes de la torréfaction. En 1914 les huit fabriques angroises employaient plus de soixante personnes, celle de Launois produisant à elle seule un million et demi de kilos par an.
Au retour de la paix, la chicorée continua à bien marcher, bien qu'un certain tassement se fit sentir. A la date de 1928 on enregistrait sept fabricants à Angre, les deux plus importants étant bien entendu, Launois et Payen, un nouveau venu d'après-guerre. A cette époque Ferdinand Launois, fils de Louis, assumait la direction de l'entreprise. La totalité des cossettes provenaient des Flandres.
Cinquante personnes étaient encore occupées dans l'industrie de la chicorée, Angre desservant non seulement le marché régional, mais aussi l'ensemble du Hainaut, le Brabant wallon et le Namurois. En 1928-1930, la chicorée du Haut-Pays partit même à l'assaut du département du Nord. Mais à ce moment, la clientèle des villes marqua sa préférence pour la chicorée maigre, en poudre ou en grain. Or, la chicorée d'Angre était grasse. La nouvelle tendance marqua la fin des petites fabriques et à Angre seuls Launois et Payen purent s'adapter. En 1933 ils établirent des installations électriques pour la chicorée maigre. Deux fabricants de moindre importance, pourtant, persévérèrent dans la production de chicorée grasse destinée à la clientèle locale et régionale. Launois d'ailleurs continua à utiliser son ancienne installation à vapeur à cette fin.
Avant 1940, Launois et Payen occupaient encore trente-six personnes. L'après-guerre allait voir l'écroulement de la chicorée. Le public réagit contre ce produit dont il avait été inondé durant les années difficiles. Il n'y eut plus de mineurs pour descendre au fond avec de grands flacons. Les deux entreprises travaillèrent donc au ralenti et en 1950 elles n'employaient plus que dix-sept personnes.
La chute fut surtout sensible chez Launois resté attaché à la chicorée de manière sentimentale. Payen essaya de se convertir en s'orientant vers la torréfaction des cafés et le traitement de certains cafés. Au début des années 60, la fabrique Launois cessa ses activités et remit le nom de marque « Bona » donné en 1933 à sa production de chicorée maigre, à une fabrique de Pettegem, près d'Audenarde.
Payen, lui, continua sa conversion, tout en n'abandonnant pas la chicorée. En 1965 il employait encore vingt-deux ouvriers et employés. Mais en 1968, il abandonnait définitivement.

Rues, Fermes et Lieux dits

Les appellations des lieux-dits vont témoigner à jamais de l'aventure humaine angroise :
les cavins (chemin encaissé, connu comme cavin de Marseille dès 1419) attestent de l'endroit de fixation que fournit le village à un homme venu du grand port du Sud, comme témoignent d'une première implantation humaine le cavin Briffaux, la fosselette à l'eau, les grands cavins, le cavin de Bernavaux.

L'histoire de l'homme au travers des lieux-dits est passionnante.
Citons :