ELOUGES VILLE DU HAINAUT

Un hommage à Mr Charles Debove

HISTOIRE

Archeologie

En dépit des recherches et des trouvailles nombreuses effectuées sur Elouges, on ne se hasarde pas en affirmant que beaucoup reste à découvrir, ne fut-ce que sous le Mont d’Elouges où au lieu dit « Les Andrieux », en bordure de la route qui joint la localité au noyau dourois. En suivant, aussi, le chemin du Vieil Empire, empierré à la diable, qui longe quelque peu le ruisseau de Cocars et se dirige vers les Monts avant de se perdre dans la nature. Il devait raccorder les deux châtellenies à la grande voie Celte joignant Bavay à Gand.
Les témoins du passé Romain sur Elouges sont nombreux. On a ainsi repéré trois aqueducs. Le premier partait de Plantis, à Dour, passait près de l’ancien autel païen du Locheniot, traversé une fondrière (dit de Saint Jean), puis passait sous les câbleries actuelle, le chemin de fer du Sept, les chaufours ayant appartenu au Hecquet-Masy, avant de filler vers Bellevue et le Champ des Avoines.
La conduite, mis à jour par Debove et Hecquet, se compose de chenaux en terre cuite, à section carrée, à angle arrondi, long de 40 cm et d’une largeur entre 12 et 18 cm. Ces chenaux, recouvert de faîtières et de petits silex enrobaient, à l’origine, le dessus et le dessous, pour maintenir les tuyaux ensemble et une couche de ciment rouge entourait le tout.
Le deuxième conduit, découvert par Debove, vient de la « Noire Guelene », sur les hauteurs de Wihéries, là où l’eau sourd dans un bassin naturel. Les censiers de la Courte à Wihéries parcouraient, pour se rendre à l’Eglise du Monceau, un sentier suivant le cour de chute de l’eau. A la fin du 18ème siècle, Marie-Rose Papin, une des dernières censières « à la mode des moines », empruntait ce chemin en restant continuellement sur ses terres (on en voit l’importance !). L’aqueduc qui les traversés d’un seul tenant côtoyait le pavé actuel de Wihéries à Elouges, passait près d’un moulin à vent puis à proximité de l’église du Monceau. Des débris furent découverts, il y a peu, lors des transformations effectuées chez le docteur Dupont, à l’emplacement de ce qui était devenu aussi un cimetière Franc.
Ce conduit coupé ensuite la rue d’Audregnies, où il devait aboutir à une « Lumina » (ouverture par laquelle on s’évertuait, de poste en poste, à déboucher le tuyau en cas d’obstruction). On l’a retrouvé lors des travaux du chemin de fer unissant les fosses de Ferrand et de la Tournelle. Il semble qu’il se dirigeait ensuite vers le Mont d’Elouges, singulièrement approvisionné en eau potable, signe de l’importance accordée au site.
Le troisième conduit, comparable au précèdent, a été récupéré par Charles Debove dans sa propriété, rue Grande, à Elouges. L’archéologue raconte qu’il se dirigeait vers la ferme de son parent, Nicolas Doye, près du Mont d’Elouges, ferme qui conservait les restes d’une tour du début du moyen-âge. Cette ferme conservait dans son sous-sol la trace d’un souterrain, que la légende prétend celui des seigneurs du Mont. Debove signal qu’il a dû fouiller jusqu'à une profondeur de plus de 7 pieds pour trouver le sol occupé par les Romains. Cela veut dire que les alluvions ont apportés plus de 2 mètres de sable, de boue et d’objets de toutes natures lors des crues des deux cours d’eau se joignant au pied de la colline.
La couleur noirâtre de ce sol est remarquable, ainsi que les découvertes y effectuées. Signalons le vase tricéphale qui, s’en ressemblait au vase planétaire de Bavay, possède la même composition. Ce vase s’ornait de 3 figures barbues, reliées ensemble.
On rapporte que l’ancien propriétaire du Mont, Mr Marin, intrigué par toutes les histoires qui se colportaient, fit entreprendre des fouilles sur la partie la plus élevée du Mont et sur la petite colline pour trouver le fameux « Veau d’Or » des anciens, honoré chez nous et disparu lors des grandes invasions. (On situe aussi ce Veau d’Or à Cocars). Si Mr Marin n’a pas eu plus de chance que ses devanciers, il n’en a pas moins mis à jour, de nombreux objets en terre cuite, des dalles, des roues et d’énormes pierres de taille dont plusieurs, soit dit en passant, ornent quelques façades élougoises. A la mort du propriétaire, sa sœur, Mme Abrassart, refusa à Debove de pousser les fouilles plus avant. L’archéologue dû donc se rabattre sur des terres bordant le Mont, et trouva des fragments de silex taillés ou éclatés. Près du ruisseau, il découvrit une statuette en argile, et une autre massive, en bronze, reproduisant la Venus du Capitole. Autres trouvailles : 9 fibules (épingle de sûreté), dont deux encore émaillées, et 4 anneaux, dont 2 tubulaires (rarissimes). Les dimensions de ces objets déroutent, et l’on n’en a pas connu usage chez les Romains. La population locale se gaussait du chercheur. Charles Debove a encore trouvé une épée dont la lame présente un excellent état de conservation. (Il l’appelait l’épée de Charlemagne), ainsi que des débris de vases qu’il parvint, à force de patience, à reconstituer. Ces poteries conservent leurs couleurs, les figures, et aussi les estampilles des différents potiers.

La Préhistoire

A l’age de la pierre polie, le centre du village se trouve sur le Mont d’Elouges. Ce replis de terrain, produit par les dernières modifications de l’écorce terrestre, permettait à l’homme de découvrir tout le pays environnant.
Charles Debove a trouvé une hache très rare, en jaspe, avec côté dessiné convexe, l’autre plate et légèrement concave au tranchant. Une autre aussi, en porphyre vert, de mêmes formes. Il a en outre découvert et répertorié 340 haches ou fragments de haches en silex blond (celui dont l’échantillon de Cocars a révélé après analyses dans les laboratoires de l’U.L.B. une présence humaine de quelques 20 millions d’années), et un millier de râcloirs pour l’apprêt des peaux destinés à vêtir, et dont l’homme de la pierre polie usait largement à Elouges.
Des pointes de flèches donnent une idée de l’habileté avec laquelle il taillait le silex, choisissant dans les alluvions la pierre la plus apte. Au répertoire, on a encore 90 masses ou marteaux, des cavités permettant à la poignée de placer chaque doigt, et certaines, par leurs pointillés, ayant pu être usitées comme amulettes ou jouets. 300 couteaux, lamelles de silex, possèdent, a une des extrémités une entaille qui sert à adapter une poignée et à retenir une lanière-attache. 7 objets, tarières, figurent l’outil des premiers artisans du bois : il s’agit de lamelles de silex très épaisses, plates d’un côté, étroites, et finement retaillées sur une largeur quasiment uniforme. Leur finesse ne permet de les employer que dans des matières peu dures (essentiellement le bois). Maints cailloux élougois témoignent de l’usage du feu.

Les Gallo-Romain

statuettes de Vénus en bronze

Charles Debove signale comme extraordinaire la découverte dans un fossé, ouvert pour ses recherches, de quelques pelletées de charbon de terre à l’état naturel. D’après lui, cet amas était mis directement sur terre, recouvert de craie, et ensuite de pierres plates. Il estime que cela est dû à un Gallo-Romain. Le charbon, dans tout les cas, ne se trouve pas bien profondément à cet endroit, plusieurs « trous » attestent d’une présence Gallo-Romain. Près du ruisseau, Debove a découvert d’innombrables objets de toilette, qui donnent à penser que les esclaves venaient là prendre des ablutions.
La fin d’une des « villas » élougoises est due, sans doute à un incendie. L’archéologue a relevé une terre bistrée, pleine de bois brûlé et de cendres. Il a recueilli de nombreuses antiquités, dont la moitié d’une poignée de coffre qui représente une figurine mythologique ayant trait au culte de Cybèle ou de Vesta. Celle-ci est figurée en buste, la tête ceinte du diadème étoilé, dispensatrice des richesses, reine des cieux. Elle repose entre deux cornes d’abondance, une tête imberbe suspendue à l’extrémité de chaque corne rappelant Athis. Il s’agit d’une plaque de bronze de trois millimètres d’épaisseur.
Debove met aussi à jour près de cette villa d’autres objets en bronze, et d’autres encore en fer, ainsi que quelques rebords de vase en terre samienne (de l’île de Samos), avec déversoir en forme de gueule de lion.
Dans les ruines de l’ancien Hypocauste, il y a de nombreuses conduites de chaleur percées de trous parallèles. D’autres objets, enfin, dont les pièces de monnaies, et un petit dé en pierre bleues d’Autreppe, provenant d’une mosaïque.

L’aqueduc, les thermes et les monnaies

La terre fouillée près des Monts d’Elouges fourmille d’ossements d’animaux, d’huîtres et de mollusques, et d’une quantité énorme de pierres de toutes nature en provenance des carrières de Wihéries, très tôt mise en exploitation, et, chose plus surprenante, venant d’Angre et de Montignies-Sur-Roc. Debove site aussi une espèce de ciment gris ou rouge. Et il parle, à regret, de la destruction dans la proche région d’un site romain où il localise un ancien therme. Selon lui, l’aqueduc de Dour y aboutissait. Aussi fit il mener quelques recherches, qui ont abouti à la découverte, sur la terre occupée par Mr Rousseau, d’une sorte de couche de ciment rouge, entremêlé de débris d’urnes, de pierres bleues, de verres fondus etc…, sans oublier un nombre important de pièces de monnaies d’après lesquelles on peut certifier que le Mont d’Elouges fut occupé militairement durant tout le Haut Empire pour être abandonné au premier siècle.
Parmi ces pièces, un bronze d’Auguste, avec un côté à l’effigie, et de l’autre S.C., avec l’inscription M.MAECELIUS, TULUS III, VIR AAA FF (le U était inscrit à l’antique en V).
On a ensuite deux bronzes moyens, attribués à Néron, et une effigie de Vilellius en argent avec la légende IMP VILELLIUS GERM IMP AVG IRP. Au revers, une femme assise, tournée à droite, tient une haste et une patère, avec l’inscription EX PONT. MAXIM.
Outre un Domitien, 9 Trajan (dont 4 bronzes), 7 Adrien, Debove a encore localisé une pièce en argent très bien conservée : une tête lauriée, tournée à droite, avec l’inscription IMP CAESAR TRAJANUS HADRIANUS AVG. Au revers, une femme assise donne à boire à un serpent sortant de l’autel. La légende : P.M.I.R.P. COS III.
Parmi les autres pièces, Debove signale un bronze portant une femme debout, les bras au ciel, une cigogne à ses pieds. Puis, deux pièces avec l’empereur HADRIANUS AUGUSTUS. Sur le revers de la première, il est à cheval, et sur celui de l’autre, assis sur une estrade, une femme devant lui. On peut y ajouter une Sabine, bronze moyen, et 7 Antonin, deux grands bronzes de Faustine, mère, et 3 Marc Aurèle, dont 1 en argent, 1 grand bronze de Commode et un Alexandre Sévère. Il y eut, bien entendu, d’autres échantillons.

Période de troubles

Un phénomène demeure inexpliqué : vers 190, et jusqu’à environ 260, aucune monnaie ne se perd sur la surface du Mont. Cela témoigne de la non occupation du site durant ces années (au bénéfice de Dour, où l’on a mis à jour de nombreuses pièces datant de cette époque.). Du a quoi ? On avance prudemment qu’une révolte d’un émule de Spartacus aurait pris corps à cet endroit contre l’autorité Romaine. La répression, terrible, aurait vidé le Mont de toute vie. Qui sait si, sans cela, le tumulus élougois n’aurait pas fourni son siège au castel des Comtes, Mons perdant sa chance Hennuyère.

L’époque romaine récente

L’époque plus récente a laissé moins de traces que les civilisations venues avant les Gaulois.
On situe juste la demeure d’un chef romain sur la colline du Mont, du côté le plus ensoleillé. 5 sentiers partaient de son entrée vers les villas de Dour, Hensies, Montroeul, Quiévrain et Audregnies. Deux autres chemins existaient : celui du Vieil Empire, déjà cité, vers le nord, et un autre venant de Valenciennes via Angre, traversant, à angle droit, avec le Chemin de Quiévrain, la chaussée Brunehault, dont le tracé existe depuis des millénaires. Les deux chemins n’en formaient plus qu’un, et, sur Elouges, devinrent ensuite le chemin de Binche, qui se dirigeait vers Saint-Ghislain.

L’époque Franque

De grands gaillards arrivent à Elouges, et s’installent. Les cheveux blonds, ils portent la moustache conquérante et leurs yeux étincelants. Ce sont les Francs qui, dans l’attente du feu vert de Clovis et de leurs folles descentes vers le pays de France, se complaisent dans nos terres, réoccupant les sites délaissés. Leurs chefs s’appellent les « Korons », ou Corons, ils vont donner leurs noms à pas mal d’endroits de nos régions. Les Courtis, Courtils, ne sont qu’une adaptation latine de ce terme, et produiront les grandes « Courtes », comme à Monceau-Wihéries où à Dour.
Les Corons délimitaient avec soin leurs aires de puissance, les processions, ou rogations chrétiennes, en faisant ensuite le tour, au pas caractéristique, par reprise de traditions.
Ces chefs Francs ont laissé une telle emprunte qu’ils se sont parfois confondus avec le propriétaire naturel du sol, auquel ils ont emprunté une particularité pour se faire reconnaître : Seigneurs des Fontaines, de la Ronde, du Rouge Bonnet, etc…
A Elouges, leurs présences marquent le tournant entre l’ancienne et la nouvelle configuration, par la dispersion de très grosses fermes. On trouve, sur Elouges, le Coron de la Marlière, siège plus tard d’un fief assez remarquable ; un autre avec la maison Debove à la Grand’Rue comme centre, un troisième aux Andrieux (où les « André » actuel trouvent peut être une origine). Et enfin, les Corons Martin-Chêne (haut du Monceau), de la Citadelle, du Préfeuillet et des Rosières.
La hutte du chef Franc n’avait rien de princier : une sorte de ruche, maintenue par des pieux fixés en terre, avec des joints de mortier, mélange de glaise et de farine de seigle. Des fondations solides, cependant, pour résister à l’usure su temps.
Autour de la hutte, plusieurs petits cabanons : pour les membres de la famille, des esclaves, les… chiens. Les bestiaux étaient enfermés d’après les espèces dans des enclos. Les grandes fermes : Saulsoir, Rosières, les Courtes à Wihéries, Dour et Wasmes, servirent d’ébauche aux fiefs et châteaux.

Les Tombes Franques

Au cours de l’hiver 1865-1866 Monsieur Debove met à jour 388 tombeaux de l’époque Franque.
Il y a là les sépultures des chefs et de leurs familiers, construites en pavé romain. Les murs n’ont pas de ciment (parfois un peu de marne, sans adhérence), des fragments de dalles ou de tuiles romaines entre souvent dans leurs constructions, pour niveler les rangées de pavés inégaux en épaisseur.
La hauteur moyenne de ces murs s’élèvent à 50 cm. Le soins avec lequel on les a nivelés à la surface fait croire que les Francs les recouvraient de planchettes pour garantir pleinement le cercueil mis au dessous. On employait aussi à cet usage des feuilles de pierre d’Autreppe, dont aucune n’est restées en place, l’humidité les ronges de l’extérieur.
Quand on soulève ces pierres, le squelette apparaît, reposant sur le lit de dalles Romaines.
La coutume Franque voulait que les morts descendent dans le tombeau avec leurs plus beaux atours, armes, objets usuels, etc… d’où l’attention particulière des pilleurs de tombes.

Le Franc d’Elouges est couché dans la tombe, au port d’arme, les jambes entrouvertes juste assez pour que le vase funéraire puisse prendre place entre les deux pieds. La tête repose horizontalement, la main droite s’appuie sur la hampe de la lance, dont la pointe se dirige vers les pieds. Le bras gauche s’étend le long de l’épée ou du poignard pendu au côté. La boucle et la contre-boucle en fer, destinée à fermer la ceinture de cuir, se trouvent sur la hanche. Un peu plus bas, parfois, un anneau en bronze soutient un ou deux couteaux. Le plus souvent, pourtant, on les serrent entre le corps et la ceinture, la pointe tournée à gauche. Dans un petit sachet de cuir, on trouve une pièce de monnaie et le briquet en pierre à feu, ou silex, fait le plus souvent avec un fragment de l’age de la pierre polie. La hache repose sur la poitrine, le tranchant tourné à droite.
Le bouclier, représenté par un cône en fer où se rejoignent 4 branches figure sur la droite, en dessous du bassin, et recouvre le tout.
Près de la tête, à droite, des pointes de flèches restent comme vestiges du carquois et de son contenu.

Les tombes des femmes Franques sont ornées d’après le degré de richesse. Près du cou, une agraffe en or ou en bronze… Autours des reins une ceinture, souvent en cuir, avec boucles et contre-boucles en fer ou en argent, avec, pendu par des anneaux en bronze, couteaux, ciseaux et clefs.
La femme enterrée portait un vêtement fort ample, ou un suaire. Les enfants emportaient dans la tombe leurs habits de fête, avec un petit collier en verroterie pour les filles, et, pour les garçons, des flèches, petits couteaux et lances qui prouvent leur éducation guerrière.
Une centaine de vases funèbres, en pâte grise teinte en noir, devaient contenir de l’eau. L’ustrale pour les païens, bénite pour les croyants.
C’est par dizaine que l’on a retrouvé à Elouges les « Schaarmsax », ou fameux poignards Francs. Leurs longueurs varient entre 25 et 60 cm. La nature du terrain où l’on a retrouvé ces objets, fortement oxydés, n’a pas permis de relever sur les lames les fameuses rainures pouvant contenir du poison.
Le cimetière Franc d’Elouges a été utilisé pendant environ 500 ans. Une des premières monnaies date de Julia, vers 270 de notre ère. (Charlemagne a interdit pour finir, ces inhumations). Les Francs construisaient leurs tombes de manière à ce que les pieds s’orientent vers le soleil levant, mais ce mode varie avec les saisons.
Sur une période d’histoire aussi longue, on s’étonne de l’uniformité des vestiges découverts. Bien que les squelettes trouvés au nord du cimetière aient un demi millénaire de plus que ceux du sud, on rencontre partout les mêmes vases, les mêmes armes, les mêmes outils. Seul les monnaies permettent de dater.