QUIÉVRAIN VILLE DU HAINAUT

Texte extrait du travail de Monsieur Théodore Bernier ecrit en 1886

ANTIQUITES - FAITS DIVERS

Quiévrain est d'une origine reculée et l'on peut admettre qu'il était habité à l'époque romaine, même à l'époque gauloise.

On y a trouvé de nombreux éclats de silex taillés, un marteau et plusieurs haches polies. L'une d'elles faisait partie de la collection de M. Albert Toilleiz, président du cercle archéologique de Mons, et se trouve en Angleterre ; deux sont dans le cabinet de M. Debove, à Elouges, et plusieurs autres dans mes collections. On y a également découvert des tuiles et des monnaies romaines au lieu dit le Tombois et le long de la chaussée qui va de bavai à Gand, au lieu dit Carochette, en traversant le territoire de la commune.

Les monnaies trouvées à Quiévrain, au nombre de 40 environ, conservées ci-devant chez M. Patte, notaire, font aujourd'hui partie de la belle collection de notre estimable collègue, M. Charles Debove, d'Elouges. Elles sont en bronze et aux types des Gallieus, Marc-Aurèle, Trajan, Adrien, Néron, Faustine, Antonin, Constantin, Tétrieus, Vespasien, Auguste, Philippe, etc., Etc.

Quiévrain est cité pour la première fois en 902, dans un diplôme du roi Charles le simple. A la même époque, l'église de Noyon possédait des biens dans ce village. En 968, ces biens furent donnés à l'abbaye de Saint-Eloi de la même ville, par Lindulphe, évêque de Noyon.

Le premier incident remarquable qu'offrent les annales de Quiévrain est la visite qu'y fit, le 23 novembre 1365, le duc Albert de Bavière, à l'effet de s'emparer du meilleur cattel d'un bourgeois de valenciennes nommé Michel Grossepuche, tombé malade.

Au mois d'avril 1435, Philippe le Bon, duc de bourgogne, séjourna à Quiévrain avec son épouse Isabelle de Portugal.

Le mardi 20 novembre 1543 le roi Charles V a mangé à Kievrain et passé la nuit à Mons.

Il résulte d'une dépêche adressée par Philippe de Croy, à l'empereur François Ier que le 12 novembre 1544 Eléonore d'autriche, épouse de ce dernier, logea à Quiévrain, à cause d'une indisposition qui lui était survenue.

En l'année 1554, le roi de France Henri II, après avoir dévasté les châteaux de Binche et de Mariemont, marcha vers Quiévrain où il vint assiéger le château qu'il détruisit en partie.

Le 15 juillet 1577, la reine de Navarre, Marguerite de Valois, passa à Quiévrain. Le comte Philippe de Lalaing, grand bailli de Hainaut et trois cents gentilshommes de cette province, escortaient la jeune femme du Béarnais, qu'accompagnaient un grand nombre de notabilités Françaises, parmi lesquelles on distinguait le cardinal de Lanoncourt, l'évêque de Langres et M. de Mouy, seigneur de Picardie.

La reine Marguerite, qui voyageait en litière, était suivie de la litière de Mme de la Roche-sur-Yon et de Mme de Tornon, dames d'honneur. Dix jeunes filles et leurs gouvernantes, montées sur de magnifiques chevaux, des écuyers de la cour de France rehaussaient l'éclat du cortège ; venaient enfin six carrosses voiturant le reste des dames de la princesse.

En 1636, la peste sévit à Quiévrain, où elle fit de nombreuses victimes.

Un compte de 1643 fait mention des armées qui campère près de Saulchoit, au mois d'août, sous les ordres du comte de Funtesaldine.

La même année, le compteur renseigne une dépense de 4 sols pour trois paires de pigeons avec quelques autres présents faits à la cuisine de Ngr le comte de Bucquoy grand bailli de hainaut, lorsqu'il passa à Quiévrain, où il séjourna à l'hôtel de la couronne.

Le 27 août 1655, Louis XIV après avoir visité condé dont il avait fait le siège le 18, coucha à Quiévrain et le lendemain il se rendit au Quesnoy.

Le Ier septembre de la même année, le maréchal de Turenne, à la tête de trente-quatre escadrons et de 2.000 hommes de pied avec deux cannons, se porta du côté de Mons, à Frameries, où il resta plusieurs jours : il y était encore le 5, mais le 6 il alla inspecter Quiévrain, qu'il fit raser, puis il revint sur Aimeries.

En 1665, la communauté paya à la veuve du maître de poste la somme de 6 livres 12 sols 6 deniers pour la nourriture d'un capitaine qui avait séjourné dans la commune, afin d'empêcher la prise des cloches, pendant que l'ennemi accupait la ville de Condé.

Durant les guerres dites de Louis XIV, les troupes campèrent plusieurs fois à Quiévrain. Les habitants se virent même forcés de conduire les cloches à Valenciennes, et à partir de 1677 les comptes de l'hôpital font mention d'une redevance de 33 livres 18 sols imposée par les magistrats de cette ville, en raison de ce que celle-ci fut assiégée pendant que les cloches y étaient cachées.

En 1678, il y eut un nouveau campement de troupes sous les ordres du comte de Valicourt.

Le 11 avril 1691, le roi Louis XIV qui s'était rendu maître de la ville de Mons, la veille, après in siége de 23 jours, passa à Quiévrain pour se rendre à Compiègne. Le 11 mai de l'année suivante, il traversa de nouveau la commune pour se rendre au camp qu'il avait établi près de Givry.

Le 7 août de la même année, la dépouille mortelle du prince de turenne, neveu du grand capitaine de ce nom, passa à Quiévrain, pour être transportée à l'abbaye de Vicogne.
Ce jeune guerrier, justement chéri des armées et que les grâces de l'ésprit et du corps, avait péri malheureusement à la célèbre bataille de Steenkerque, au moment où il donnait déjà l'espérance de ressembler à son oncle. Avant d'expirer, il expima le désir d'être enterré dans l'abbaye de Vicogne et demanda que lorsqu'on passerait par Mons pour transporter ses restes au lieu d'inhumation, une absoute fût dite sur son corps dans l'église de Carmes-chaussées de cette ville. Le voeu d'un mourant fut pieusement exaucé le 6 août. Les religieux allèrent processionnellement à la rencontre du convoi funèbre ; puis ils chantèrent l'office des morts dans la chapelle ardente, et le lendemain matin l'un des pères accompagna la dépouille mortelle du jeune héros jusqu'au monastère où elle devait être inhumée.

En 1712, une sauvegarde fut placée à Quiévrain pendant que le prince Eugène faisait le siège du Quesnoy. Cette sauvegarde était composée des sieurs Pierre Cheval et Bonef, chevaliers au régiment de chambéry, lesquels y résidèrent 50 jours et coûtèrent à la communauté la somme de 392 livres. En éventualité des événements, les habitants durent ériger des barrières, ce qui occasionna une dépense de 113 livres 13 sols.

Un mémoire curieux, rédigé par un sieur Nicolas Buyer, donne les détails suivants sur les événements de 1746 à 1748 :

Le 8 octobre 1746, une garnison est établie en la commune à cause du passage de plusieurs pièces d'artillerie. Les 22,23 et 29 du même mois, on donne l'hospitalité aux régiments de Seidorf (suisse), du Royal-vaisseau et de Milice de Picardie. Au mois de novembre les régiments de Chabrillant, celui de Chastillon et 80 invalides séjournent dans le village. Le 5 décembre on constate le passage d'un grand nombre de prisonniers hollandais escortés par le lieutenant général Deschamps.

L'année suivante, l'armée campée à Quiévrain, sous les ordres de M. Lucé, fait d'abondantes réquisitions de vivres. Le 15 mai, on met les villages en demeure de fournir des chevaux pour le passage du Roi. Le 28 octobre, les gardes de l'armée du comte de saxe sont logés dans la commune. Enfin, en 1748, on donne l'hospitalité aux régiments de Noailles et Durumain.

De 1748 à 1790, les documents que nous avons consultés ne mentionnent aucun événement survenu, sauf le passage de Joseph II, le 27 juillet 1781.

En 1790, plusieurs individus quittèrent Quiévrain pour s'engager dans l'armée des patriotes. Un sieur Pierre-Antoine Faider, aubergiste de la Couronne à Mons, fut accusé d'avoir tenté de détourner les volontaires de Quiévrain et notamment le sieur Willot. Une plainte à charge dudit Faider ayant été adressée au comité général du bureau de la guerre de la province de Hainaut, l'accusé produisit un mémoire justificatif imprimé chez Monjot à Mons, daté du 22 septembre 1790.

En 1792, Quiévrain fut le théâtre d'un combat entre les Autrichiens et les Français; un imprimé du temps donne la relation de cet événement. En voici la teneur :

Rapport de ce qui s'est passé à Quiévrain le 28 et 29 avril 1792.

- Les Français arrivèrent à Quiévrain samedi 28, vers trois heures après-midi. Il leur fut aisé de s'emparer de cet endroit qui était gardé par un petit nombre de chasseur et uhlans autrichiens, dont l'unique ressource fut de se replier vers Boussu.

- Leurs premiers soins furent d'y planter l'arbre de la liberté et d'inviter les habitants à la prétendue "indépendance". Après avoir abattu le pilori et pillé le bureau, ils se rendirent chez le curé, vers six heures du soir, et lui ayant attaché la cocarde nationale, ils voulurent exiger de lui le serment civique. Ce pasteur fit connaître toute sa répugnance et forma secrètement des voeux de rentrer sous l'obéissance de la maison d'Autriche, que le clergé regarde aujourd'hui comme protectrice de le religion catholique, apostolique et romaine.

- Le 29 était le jour que l'énnemi avait choisi pour faire son entrée dans Mons. Son espérance paraissait se réaliser, ayant pu s'avancer jusqu'à cinq quarts de lieue de cette ville, où il rencontra les premières résistances de la part de nos troupes, qui le repoussèrent avec beaucoup de vigueur et de courage et firent plusieur prisonniers, entre lesquels se trouvaient le lieutenant colonel d'Esterhazy-Hussard, M. de Cazanove.

- Les français se trouvèrent renforcés le même nuit de 15.000 hommes. Ils présentèrent en ordre de bataille à trois heures du matin, à Hornu, près de Saint-Ghislain, avec le projet d'attaquer, de forcer le passage et de prendre Mons. Le général Beaulieu quoique n'étant à la tête que d'un corp de cinq mille hommes, les prévint et les attaqua si vivement qu'il les força avec une partie de sa troupe. Ce général détacha la cavalerie avec les chasseurs dans les flancs de droite et de gauche. Cette contenance de la part de nos troupes leur en imposa de façon que, sans attendre le choc, ils se retirèrent en désordre et furent obligés de prendre la fuite jusqu'à Quiévrain, où ils firent de nouvelles tentatives de résistance. Ils braquèrent des canons à l'entrée et sur la place de ce village ; mais bientôt ils se trouvèrent de nouveau forcés d'abandonner, et de se replier vers leur camp. Les Autrichiens les poursuivirent et la confusion fut telle parmi eux qu'ils se virent encore obligés de prendre la fuite dans le plus grand désordre. Nos troupes s'emparèrent de leur camp et firent un butin si considérable qu'on le fait monter à un million, 90 furent prisonniers et environ 500 furent tués.

- Le camp se trouve aujourd'hui à Quiévrain et les avant-postes sur les terres de France, à une lieue de Valenciennes.

- L'ennemi ne fut pas plus heureux à Baisieux, entre Lille et Tournai. Ils y perdirent 6 canons et 30 prisonniers. Le brave colonel du régiment de la Tour, M.Lhortzenhein, s'y montra avec une intrepidité extraordinaire.

Le 17 décembre 1792, les députés de l'assemblée générale des représentants du peuple souverain de hainaut adressèrent une lettre à la convention nationale, pour annoncer qu'étant arrivés à Onnaing, l'essieu de leur voiture se cassa ; ils se plaignirent de la conduite du troisième fils du maître de poste de Quiévrain, qui détela ses chevaux, abandonna leur voiture et apporta par là un retard à leur mission, qu'ils lui ont fait connaître sur motion ; l'assemblée arrêta que le troisième fils du maître de poste de Quiévrain sera mandé à la barre.

Au mois d'août 1801, divers détachement de prisonniers russes et autrichiens traversèrent Quiévrain pour se rendre dans leurs foyers.

Durant les événements qui marquèrent le règne de napoléon Ier, Quiévrain reçut plusieurs fois la visite de grands personnages, savoir :

- Le 30 août 1804, l'empereur Napoléon, accompagné du prince de Beauharnais, escorté par des mamelucks de la garde et d'un escadron de cavalerie.

- Le 20 avril 1805, le prince Joseph Bonaparte.

- Le 15 juin 1806, Louis Bonaparte et son épouse se rendant en Hollande pour prendre possession de ce royaume.

- Le 29 avril 1810, l'empereur Napoléon et l'impératrice Marie-Louise, auxquels on fit une brillante réception. Les maires des communes des environs y furent invités. On rapporte que le préfet du département de jemmapes, qui était à la tête des fonctionnaires des son département, voulu complimenter l'empereur, mais qu'il ne put prononcer que quelques mots inintelligibles, tant son émotion était grande. L'empereur pour le tirer d'embarras se tourna vers un groupe et demanda le nom de la rivière qui passait sous le pont sur lequel il se trouvait. M. Durieux, alors secrétaire communal, lui répondit qu'elle avait pour nom "Le Honneau". Après cette réponse, l'empereur parut satisfait et monta en voiture ; alors le mameluck Rousteau, assis sur le siège de la voiture de poste de l'empereur excita le zèle des postillons en leur distribuant des coups de fouet.

Le 5 février 1814, les troupes françaises, sous la direction du général Pienne qui commandait la ville de Mons, passent à Quiévrain pour se rendre à Valenciennes.

L'année 1815 est marquée par le passage de l'empereur de Russie, le 1er octobre et du prince Frédéric de prusse, le 23 septembre.

En 1830, les habitants de Quiévrain prirent part au mouvement qui s'opéra dans notre pays. Une lettre insérée dans le courier des Pays-Bas nous renseigne à ce sujet. En voici le texte :

Quiévrain, 10 septembre 1830

(Lettre particulière)

A l'exception d'un vénérable vieillard de 80 ans accomplis qui, par ses talents et ses vertus, commande le respect et la confiance, mais qui ne se mêle plus des affaires de notre commune, notre administration ne se compose gère que du bourgmestre et de son secrétaire, le reste étant des mulets que M. le bourgmestre a cru devoir s'adjoindre et pour cause, etc… et grâce à la pusillanimité de ce dernier, à son caractère plutôt hollandais que belge, nous ne voyons pas encore, malgré la demande et le désir des habitants de cette commune, flotter le drapeau brabançon.

Quoique M. le bourgmestre dise que ceux qui arborent le drapeau tricolore ne sont que des gens qui sement le désordre, il n'est pas moins vrai de dire que les habitants de Quiévrain s'occupent sérieusement de ce qui se passe dans leur pays, et qu'ils sont prêts à fournir leur contingent pour soutenir et défendre les droits de la patrie ; et au besoin , ils auront soin de n'envoyer que des hommes qui connaissent leur dignité et qui joignent à une force physique prépondérante une force morale inspirée par un ardent amour du bien public.

Un même désir anime tous les habitants de cette commune, c'est de se trouver au nombre de cent opposé à deux cents Hollandais.

Sur ces entrefaites, plusieurs habitants de la commune, sous la conduite de M. Debast, capitaine de gendarmerie, et M. Auguste Patte, propriétaire, partirent en armes pour bruxelles le 24 septembre et prirent une part active à différents combats. Un des volontaires de Quiévrain, Benoit Dejardin, fut blessé aux deux pieds par un boulet de canon et mourut des suites de ses blessures à l'hopital de louvain. Cette circonstance valut à la commune le don d'un drapeau d'honneur conservé à la maison communale, lequel lui fut octroyé en vertu d'un décret du congrès du 28 mai 1831, par résolution de la commission des récompenses nationales du 27 septembre 1832, présidée par Alexandre Gendebien.

Le 5 février 1834, la députation du congrès national chargé d'aller annoncer au roi Louis-Philippe Ier la nomination de son fils le duc de Nemours comme roi des Belges, passa à Quiévrain.

Le 5 août 1835, le roi Léopold Ier traversa Quiévrain pour se rendre à Compiègne, où il devait épouser la princesse Louise-Marie-Charlotte d'Orléans, fille du roi Louis-Philippe (Il s'est arrêté chez M. Debast et s'y est lavé les mains).

Les 13 et 14 novembre 1835, l'armée française sous les ordres du maréchal Gérard traversa Quiévrain pour se rendre au siège de la citadelle d'Anvers. Les habitants de la commune et des localités environnantes allèrent à leur rencontre et leur offrirent de l'argent et des comestibles. L'enthousiasme était au comble de voir ces braves venir exposer leur vie pour la délivrance de notre belle patrie.

En août 1842, le transport des voyageurs est assuré sur la ligne Mons-Quievrain en passant par Thulin.

Pendant la révolution de 1848, le bruit s'était répandu à Mons qu'une bande de 3.000 ouvriers belges et français, qui voulaient soulever un mouvement républicain en belgique, étaient arrivés dans les environs de valenciennes. Cette nouvelle transmise à bruxelles, le 24 mars, on envoya vers deux heures deux bataillons du 8e de ligne, un détachement de chasseurs et plusieurs pièces d'artillerie à Quiévrain.

Le 22 août 1868, Victor Hugo, Henri Rochefort, Charles et François Hugo, Auguste Vacquerie, Paul Meurice et Camille Berru accompagnèrent les restes de Mme Victor Hugo jusqu'à la frontière et reçurent l'hospitalité à Quiévrain.

Lors de la déclaration de guerre entre la France et la Prusse, le 15 juillet 1870, 25 soldats furent envoyés à Quiévrain pour placer une mine sous le chemin de fer en cas d'invasion ; ils y séjournèrent jusqu'au 19 septembre. Le 24 janvier de l'année suivant, 250 soldats sont de nouveau cantonnés en la localité et y séjournent jusqu'au moment de la paix.