QUIÉVRAIN VILLE DU HAINAUT

Texte extrait du travail de Monsieur Théodore Bernier ecrit en 1886

LA SEIGNEURIE

Domaines et Châteaux

Quiévrain formait une seigneurie puissante qui prit le nom de baronnie et dont dépendaient comme arrière-fiefs les seigneuries de Baisieux, Hensies et du Saulchoit. D'après le cartulaire du hainaut de 1410, cette seigneurie rapportait annuellement la somme de sept cent quatre-vingt-cinq livres.

Le château, dont on distinguait encore, en 1880, l'emplacement, était situé près de l'église, sur une éminence artificielle autour de laquelle on trouve des traces de fossé et des souterrains inaccessibles. Son origine nous est tout à fait inconnue ; on peut supposer qu'il existait dès le XIe siècle, époque où le village commença à avoir des seigneurs particuliers.

Selon Carpentier, le château de Quiévrain fut assiégé et en partie détruit en 1554, époque où les château de Binche et de Mariemont subirent le même sort. Il fut néanmoins restauré plus tard, car en 1616, il était habité par Jean de Malengrau, prévôt de Quiévrain. En 1666, il était complètement en ruine, ainsi que nous l'apprend un compte de l'hôpital, lequel renseigne en dépense une somme de 260 livres pour 16.000 briques "tirées des masures du château détruit par les guerres", pour être employées à des ouvrages de maçonneries de l'hôpital.

Au château était annexé une prison qui existait encore après la disparition des principaux bâtiments : en 1671, un sieur Jean François, ayant volé une vache, fut conduit à la prison du château, et ensuite condamné à être battu de verges et banni du pays.

La plupart des archives évoquant Quiévrain ont péri lors des guerres de religion, et nombres de documents ne datent que de 1575, comme c'est le cas pour Dour et les villages ayant subi les iconoclastes.

La seigneurie de Quiévrain s'étendait sur une partie de Baisieux, sur Hensies et, plus tard, sur Harchies, ses biens allant d'une pièce des bois de Basècles au caron de Baisieux.

Les Seigneurs

Maison de Quiévrain

Les seigneurs de Quiévrain portaient des armes au champ d'or et au chef bandé de six pièces d'argent et de gueules. Cimier : deux tonneaux d'or.

Le premier personnage connu de cette famille seigneuriale est WAULCHER DE QUIEVRAIN. Il figure dans des actes d'asservissemant faits envers l'abbaye de Saint-Ghislain, de1067 à 1086, et est aussi mentionné dans une charte de l'abbaye de Crespin, de l'an 1090.

GAUTHIER ou WALTER I? Seigneur de Quiévrain, se rendit serf à l'abbaye de Saint-Ghislain, avec toute sa postérité, en 1101, en présence de cinq chevalier : GAUTHIER de ( BULCCUN BULCCIN ), Liévin son fils, Baudry de Roisin, Gaulcher son frère et Gislard de Bozée, qui signèrent sa lettre, où il se dit issu de haute naissance. Il vivait encore en 1109.

HAWEL ou HAUWEl, seigneur de Quiévrain, est cité dans différents actes d'asservissement de l'abbaye de Saint-Ghislain, de 1127 à 1160. Daniel, abbé de Cambron, lui vendit des propriétés situées à Irchonwelz ; il est également cité en qualité de témoin à des donations faites à l'abbaye d'Alne en 1180 et 1182. Hauwel de Quiévrain faisait partie de l'armée et accompagna le comte Baudoin dans son expédition contre Godefroid, duc de Brabant, en 1183. Il laissa plusieurs enfants, savoir :

- MARGUERITE ou MAHAUT de Quiévrain, qui épousa, en 1170, Othon I de Trazegnies, mort en terre sainte en 1191.

- ARNOULD, seigneur de Quiévrain, épousa Marie de Warfusée, il est cité dans une charte de Baudoin VI, conte de Hainaut, datée de Mons, 1201. En 1211, il figure comme témoin aux lettres par lesquelles Louis, fils ainé du roi de France, confirme l'abbaye de Saint-Bertin dans la possession de ses propriétés, il est cité au nombre des partisans du faux Baudoin.

- GAUTHIER ou Walter II ( que nous croyons frère d'Arnould ), seigneur de Quiévrain, figure comme témoin à un accommodement fait au châteu de Mons, par Baudoin VI de Hainaut, entre l'abbaye de Saint-Ghislain et Jean Bliaut, seigneur de Blaugies, en 1176. En 1199, il est témoin à une donation faite à l'abbaye de Saint-Denis par le comte Baudoin ; il figure également parmi les signataires de la fameuse charte de l'an 1200. Walter de Quiévrain combatit sous la bannières du comte de Hainaut à la fameuse bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214. Pour observer un serment qu'il avait fait, il montait une jument, ainsi que son compagnon Arnould d'Esne. Tous deux furent faits prisonnierrs, comme nous l'apprend Philippe Mouskes dans ces vers :

Dont fu pris Watiers de Kiévraing Et Ernoul d'Aisne et ses compaing, Que li rois et autrefois pris De sa guerre s'en orent pis Quar il avoient fourjurée Toute la gierre et l'asamblée Que ser ceval ne montroient, et pour cou, sour jumens séoient.

En 1219, il assiste au déshéritement fait par Gilles de Chin, de la terre de Buzegnies. En 1231, il est témoin à Valenciennes aux lettres de Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut, reconnaissant des droits et privilèges qui appartenaient à Hellin d'Aulnois, chevalier, comme bouteiller de Hainaut. Il mourut vers 1243. Il avait épousé une dame de mortagne de laquelle il eut :

- RICHARD, seigneur de Quiévrain, lequel intervint, en février 1246, à un acte par lequel il promet de reconnaitre pour seigneur celui des fils de la comtesse Marguerite qui sera désigné par la sentence arbitrale du roi Louis IX et de l'évêque Odon.

- NICOLAS, seigneur de Quiévrain, après la mort de son frère Richard vers 1249 est cité dans plusieurs actes d'asservissement envers l'abbaye de Saint-Ghislain, de 1232 à 1266. En 1244, il figure avec son frère Gillebert et un grand nombre d'autres chevaliers à un jugement rendu par Henri de Luxembourg, par lequel sont adjugées au comte thomas et à Jeanne, sa femme, les terres de Crèvecoeur et d'Arleux. En 1260, il est témoin aux lettres par lesquelles Thibaut, comte de Bar, reconnait avoir reçu de Marguerite, comtesse de Flandre sa mère, 4800 livres parisis à compte de 10.000 livres qu'elle devait lui payer pour le dédomager des frais qu'il avait supporté pendant qu'il avait été en prison en Zélande et ailleurs pour les affaires de sa mère. En 1280, il appose son sceau aux lettres par lesquelles Jean d'Avesnes confirme les privilèges et franchises de la ville de Valenciennes.

Ce seigneur acheta, en 1270, du couvent de Saint-Landelin de Crespin, tout le fief qui lui appartenait au village de Tongre-Saint-Martin.

Il avait épousé Julienne de Looz, dame d'Amblise, fille d'Arnoul, comte de Looz, et de Jeanne de Chiny. Par acte du 27 juin 1267, le comte Arnoul assigna, pour la dot de sa fille, à Nicolas, seigneur de Quiévrain, son gendre, un revenu annuel de deux cents livres tournois. Le même jour, Arnoul et Jeanne promettaient de donner à leur gendre pour dot de leur fille, la somme de deux mille livres, à prélever en dix ans, par payements de deux cents livres d'année en année.

Le lendemain, ils mandaient aux maires et échevins de Thys et Neuville d'obéir aux ordres donnés en leur nom par Nicolas, seigneur de Quiévrain, et par Julienne, sa femme.

De ce mariage naquirent deux filles :

- MARIE de Quiévrain, dame d'Encerville, épouse de renaud de Bar, dont elle était veuve en 1284. En 1283, elle donna des lettres par lesquelles elle reconnait avoir reçu la somme de 50 livres tournois que lui devait le comte de Flandre. Cette lettre est munie du sceau et du contre-sceau en cire verte, pendant à une bande de parchemein. La face du sceau représente une femme debout vêtue d'un manteau de menu vir, avec la légende : S. MARIE DE KIEVRAING UXOR RENAUDI DE BARRO.

- ISABEAU, dame de Quiévrain, épousa Godefroid d'Aspremont, qui suit.

Maison d'Aspremont

Les armoiries d'Aspremont sont : de gueules, à la croix d'argent, écartelé d'or au lion de gueules.

Godefroid d'Aspremont, seigneur dudit lieu, était fils de Gobert III, sire d'Aspremont, et d'Agnès de Coucy. Le 17 août 1294, il vendit la terre de Tongre-Saint-Martin au comte de Hainaut : cette terre avait été acquise par son beau-père Nicolas, seigneur de Quiévrain, en 1270. Il devint seigneur de Quiévrain, il mourut vers 1306 et laissa de son mariage :

- HENRI d'Aspremont, évêque de Verdun de 1312 à 1349.

- GOBERT d'Aspremont, qui suit.

- GODEFROID, sire d'Aspremont.

- MAHAUT d'Aspremont.

Gobert d'Aspremont, seigneur de Quiévrain, fut choisi en 1304 comme témoin au testament de Jean II d'Avesne, comte de Hainaut. Il épousa Jacqueline de Coucy. Après sa mort, la seigneurie de Quiévrain devint la propriété de sa soeur Mahaut, laquelle épousa Simon de Lalaing, qui suivra.

Le sceau de Gobert d'Aspremont est appendu à un acte par lequel il renonce aux dommages qu'il pourrait réclamer pour la non-exécution d'un traité par le comte de Flandre, 13 octobre 1323.

Ce seigneur est représenté à cheval, revêtu de la chemise d'armes, tenant l'épée à la main droite. Le cimier, le bouclier, l'épaulière, la troussequin et la housse portent les armoiries des Aspremont. Voici la légende : SIGILLUM. GOBERTI DNI DE ASPERO MONTE MILITIS.

Maison de Lalaing

Les armoiries de Lalaing sont : de gueules à dix losanges d'argent, l'écu timbré de la couronne comtale, sommé d'un casque d'or, couronné de même, supportant deux griffons d'or, le tout posé sur un manteau fourré d'hermine, armoyé des pièces de l'écu. Cri de guerre : Lalaing!

Il est superflu de rappeler ici l'antiquité de la maison de Lalaing, plus célèbre par le bon chevalier tué au siège de Poucke que par ses dix-huit chevaliers de la toison d'or.

D'après une tradition assez poétique, elle devait ses armes à un miracle. Dans les premières années du XIIe siècle, la dame de Lalaing, malgré une défense expresse, cachait dans sa robe d'écarlate, des pains qu'elle allait porter aux pauvres, et, comme son avare époux allait découvrir cette ruse de la charité, elle s'écria qu'elle n'avait cueilli qu'un bouquet, et en effet les pains se trouvèrent changés en "Cukelins" ou losanges d'argent qui ornent l'écu de gueules des sires de Lalaing.

Simon de Lalaing, chevalier, seigneur de Lalaing, épousa Mahaut d'Aspremont, héritière de Quiévrain. Il fut plusieurs fois choisi par le comte de Hainaut pour son arbitre. Il mourut en 1333 et fut enterré à l'abbaye de Flines où on lui érigea une tombe avec ses quartiers et cette inscription :

CHY DESSOUBS CESTE LAME GIST NOBLE HOME SIMON, JADIS SIRE DE LALAING CHEVALIER, QUI TREPASSA EN L'AN DE GRACE NOSTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST MIL IIICXXXIII, LE JOUR DE SAINTE CROIX, AU MOIS DE MAI. QU'EN PARADIS SOIT MISE S'AME.

Après sa mort, son épouse prit le voile chez les dames du monastère de Beamont à Valenciennes, où elle mourut en 1371, on lui érigea dans l'église du cloître une belle tombe, sur laquelle on voyait la représentation d'une religieuse et cette inscription :

A vous prie qui par ci passez, Pour Dieu, qu'il ne soit passez (pas assez) De regarder seulement me lame, Et que voeillez prier pour l'âme Dou cors qui cy est accouviers, Dont li chars est pasture à viers, Medame Alechault fut nommé, Ung seigneur rust de renommée, Simon de Lalaing fut nommé, Chevalier an bien renomé, Nonnain fut en ceste église, Par longtemps mors l'en udvise, L'an de grâce mil trois cens Sysante et treize paya le cens, A la mort perverse et amère, Noble fut de père et de mère, De Mortaigne et de Couchy, D'Aspremont et de Kiévraing ossy, Débonnaire fut et piteuse, En dieu servant religieuse, Prions celi qui tousiours règne, Qui le mèche ossy en son règne, Et qu'il pardonne ses pékiés, Que s'ame n'ait les painne griés.

Simon de Lalaing, seigneur de Quiévrain, de Hordaing et d'Ecaussines, après la mort de son père, fut bailli de Hainaut à différentes reprises, de 1360 à 1385. En 1384, il fit hommage à Charles VI, roi de France, promettant de le servir contre tous, le duc Albert de bavière excepté. Il mourut le 13 septembre 1386.

Il avait épousé Jeanne de Roeulx, dame d'Ecaussines, de Louwes et de Brebières, fille de Gilles du Roeulx, seigneur d'Ecaussines et de Jeanne de Lens.

Ils furent inhumé dans l'église du monastère de Beaumont à Valenciennes.

L'historien Simon Leboucq (1591-1657, prévôt et historiographe ; auteur d'une Histoire ecclésiastique de la ville de Valenciennes) donne ainsi la description de leur tombeau : A l'enclos des dames, en une chapelle au costé senextre du choeur, soubs une arcure, y at une tombe eslevée, sur laquelle y avoit ci-devant la représentation d'un homme armé, vestu de sa cotte d'arme, sa femme lez luy, avecq les mots suivants :

CHY GIST SIMON DE LALAING, CHEVALIER, JADIS SIRE DE KIEVRAING, KI TRESPASSA BAILLIEU DE HAINAUT, L'AN MCCC ET IIIIXXVI, LE XIIIe JOUR DE SEPTEMBRE.

CHY GIST NOBLE DAME, DAME JEANNE D'ESCAUSSINES, DAME DE KIEVRAING ET DE LOUWES, LAQUELLE TRESPASSA L'AN...

Simon II de Lalaing, seigneur de Quiévrain, de Hordaing, Brebières, Escaussines, épousa vers 1380 Jeanne de Ligne, fille de Guillaume, seigneur de Ligne. Il ne posséda que deux ans les biens de son père, car il mourut en 1388, et fut enterré avec son épouse dans l'église de l'abbaye de Crespin.

Un recueil manuscrit d'épitaphes de la bibliothèque de Mons, donne ainsi la description de son tombeau :

En l'abbaye de Crespin de l'ordre de Saint-Benoit, au costé dextre du choeur, dessous une arcure, est ung tombe eslevée où est couché ung homme armé, sa femme lez luy.

CHY GIST NOBLE HOMME SIMON DE LALLAING, JADIS SIRE DE QUIEUVRAING ET DE BREBIERE, QUY TRESPASSA
L'AN MIL IIICIIIIXXVIII LE IIIe JOUR DE JUING. PRIEZ POUR S'AME.

CHY GIST NOBLE DAME MADAME JEHENNE DE LIGNE DAME DE QUIEUVRAING, QUI TRESPASSA L'AN DE GRACE..."

Simon de Lalaing, seigneur de Quiévrain et d'Ecaussines, épousa Jeanne de Barbençon, fille de Gérard, seigneur de Jeumont et de Jeanne de Chasteler-Maubray.

Ils laissèrent deux filles :

- JEANNE de Lalaing, qui épousa Olivier de Châtillon.

- MARIE de Lalaing, qui épousa Jean de Croy.

Le 21 avril 1428, Jeanne et Marie de Lalaing firent un acte de partage au château de Quiévrain, en présence de Guillaume de Lalaing, seigneur de Reumont et du Chasteler, Pierre dit Brongnars, seigneur de Hainin, et de leur mère Isabeau de Barbençon.

Maison de Châtillon de Blois dite de Penthièvre

Les armoiries de cette maison sont : d'argent à deux faces de gueules chargée chacune de trois annelets d'or.

Devise : Agere et pati fortia.

Olivier de Chatillon, dit de Blois, comte de penthièvre, vicomte de Limoges, seigneur d'Avesnes, de Landrecies et du Nouvion, naquit en 1388. Il était le fils ainé de Jean, mort seigneur des mêmes lieux, et de Marguerite, seconde fille du célèbre connétable de Clisson. Poussé par sa mère, toute entière à ses projets de vengence et à ses prétentions ambitieuses sur le duché de Bretagne, qu'elle avait vu à regret lui échapper, le jeune Olivier se laissa entrainer à des actes de déloyauté, qui lui valurent la proscription et qui amenèrent la confiscation de tous les biens qu'ils passédait dans ce pays. Errant et fugitif, ce ne fut qu'avec peine et après mille détours qu'il parvint à se réfugier à Avesnes où, pendant quelque temps, ses ennemis le poursuivirent sourdement. Seul, sans famille, Isabeau, fille du duc de Bougogne, qu'il avait épousée en 1406, étant morte sans lui donner d'enfant, il songea bientôt à se remarier. Il obtint la main de Jeanne de Lalaing, héritière de Quiévrain, fille de Simon IV de Lalain baron de Kievrain et, comme pour effacer un passé qui lui pesait, il s'attacha à la pratique de bonnes oeuvres. Sa femme, qui était la piété et la charité personnifiées, le soutint dans cette voie. Olivier et Jeanne moururent tous les deux au château d'Avesnes : celui-là, le 8 septembre 1433, celle-ci le 10 avril 1466. Ils furent enterrés dans l'église paroissiale, les uns disent devant le maitre-autel, les autres dans la chapelle de la sainte Vierge. Ce qui est mieux établi c'est que leur tombeau " estoit eslevé sous une arcuille (voûte) à jour. " pratiquée dans l'épaisseur du mur qui sépare cette chapelle du coeur. Du côté du coeur, l'ouverture était garnie d'un treillis en fer, à larges mailles, remplacé dans les derniers temps par un treillis en bois, de l'autre côté, elle était close par une boiserie dans laquelle il se trouvait une lucarne, d'où l'on pouvait voir le monument, mais qui était presque toujours masquée par un tableau mobile, reproduisant les armes d'Olivier : ce tableau était placé au pied du sarcophage que l'on dressait toutes les fois qu'on chantait l'obit dit de Penthièvre, qui avait toujours lieu à la chapelle de la vierge.

Le tombeau, en marbre blanc et sur lequel on voyait couchées des statues artistement sculptées, représentant le comte et la comtesse, et à leurs côtés, leurs enfants morts jeunes. Deux épitaphes, gravée sur la pierre et reproduites ci-après, étaient accompagnées d'écussons aux armes des défunts, surmontés d'une couronne comtale.

Première insrcription:

CY GIST TRES NOBLE PRINCE OLIVIER DE BRETAIGNE, COMTE DE PAINTHEVRE ET DE PERIGORT, VISCOMTE DE LIMOGES, SEIGNEUR D'AVESNES, HERITIER DE LA DUCHE DE BRETAIGNE, ETC. QUI TRESPASSA L'AN MIL IIIICXXXIII, LE VIIIe JOUR DE SEPTEMBRE. PRIEZ A DIEU POUR SON AME.

Seconde inscription:

CY GIST TRES NOBLE PRINCESSE DEHENNE DE LALLAING, HERITIERE DE KIEVRAIN, ESPEUZE DE SECONDES NONCES A TRES NOBLE OLIVIER DE BRETAIGNE, DUQUEL EUT FILS ET FILLES ICY REPOSANS ; ET TRESPASSA L'AN MIL IIIICLXVIJ LE Xe D'APVRIL. PRIEZ POUR SON AME.

Ce tombeau avait échappé à l'incendie de l'église en 1514, à cause de sa position abritée ; mais cette circonstance ne devait plus le sauver à l'époque de la révolution. Alors, le bloc de marbre, les statues, les ornements accessoires du monument, furent violemment arrachés de l'endroit où ils se trouvaient depuis des siècles ; puis brisés, avec ostentation, devant la principale porte d'entrée de l'église.

Le 9 février 1450, Jeanne de Lalaing, dame de Quiévrain, accompagnée de Pierre Gervaise, son châtelain de Quiévrain, comparut à Mons devant Jean de Croy et plusieurs hommes de fief du Hainaut. Elle donna en leur présence, à l'église de Quiévrain, plusieurs francs alleux qu'elle possédait à Elouges, à condition de faire exconérer différents services religieux.

L'acte concernant cette fondation a été publié par M. l'abbé Stroobant.

Après la mort de Jeanne de Lalaing, Marie, sa soeur, qui avait eu en partage les terres d'Ecaussines et d'Arquennes, hérita la seigneurie de Quiévrain, et épousa Jean de Croy, qui suit.

Maison de Croy

Les armoiries de la maison de Croy sont : d'argent, à trois faces de gueules.

Jean de Croy, seigneur de Tour-sur-Marne et de Chimai, par suite de l'achat qu'il fit de Thibaut de Soissons, né vers 1395, était le 3e fils de Jean Ier sire de Croy et de Renty, grand bouteiller de France, et de Marguerite de Craon. Il devint seigneur de Quiévrain, par suite de son alliance avec Marie de Lalaing. Le duc Philippe de Bourgogne, dont il était le chambellan et l'ami, lui donna en témoignage d'intérêt 4000 écus ou "en lieu de ce, la jouissance de la terre d'Estinnes", et cela, à cause de son mariage, comme le prouvent des lettres patentes du 12 novembres 1430, rappelant cette donation, faite le 13 mars de la même année.

Philippe le Bon le nomma, en outre, chevalier de la toison d'or, lors de la création de cet ordre, gouverneur de Namur en 1430, capitaine général et grand bailli de Hainaut de 1433 à 1436. Il fut l'un des chefs qui conduisirent les troupes bourguignonnes au secours de Charles VII, roi de France, en 1436. Envoyé comme ambassadeur vers ce monarque en 1456 et en 1460, il prit part à toutes les grandes expéditions de son temps et mourut à Valenciennes, en 1472 ; il fut enterré avec sa femme, en la chapelle de Sainte Barbe de l'église collégiale de Chimai.

Philipe de Croy, 2e fils de Jean de Croy, fut comte de Chimai, seigneur de Quiévrain, Ecaussines, etc..., conseiller et chambellan de Charles le Hardi, duc de Bourgogne ; il fut établi gouverneur et grand bailli de Hainaut en 1456 et gouverneur des villes et châteaux du Qesnoy et de Bouchain. Créée chevalier de l'ordre de la toison d'or à Valenciennes, le Ier mai 1473, il se signala à la funeste bataille de Nancy, donnée contre le duc de Lorraine et les suisses, le 5 janvier 1477, où il fut quelque temps prisonnier.

En juillet de l'année suivante, il eut l'honneur de tenir sur les fonts de baptême le fils ainé de l'archiduc Maximilien et de lui donner son nom. Depuis, il signala encore sa bravoure et son courage en diverses occasions, sous le règne de Maximilien, qui lui donna, en récompense, le gouvernelent du duché de Luxembourg.

Il avait épousé Walburge de Moeurs, fille de Vincent, comte de Moeurs, et d'Isabeau de Bavière. Il mourut à Bruges, le 13 septembre 1483, et fut enterré dans l'église des Récollets de Mons. On lisait sur son mausolée l'épitaphe suivante :

PHILIPPE SIRE DE CROY ET COMTE DE CHIMAY, BARON DE KIEVRAING ET DE PLUSIEURS TERRES, GRAND BAILLY DE HAINAUT, RENOME EN SON TEMPS, AUSSY FUT GOUVERNEUR DU PAYS DE HOLLANDE, EN L'AN MIL QUATRE CENS A POINT HUICTANTE TROIS, MOURUT A BRUGES EN FLANDRE, SON CORPS EST ICI BAS.

En la même église, on voyait sur un vitrail les armoiries de Philippe de Croy et de sa femme, et cette singulière inscription qui existait encore au XVIIe siécle :

VIERGE, SANS PERE, MERE DE DIEU, PRINS, S'IL TE PLAIST, DE TON PARTY, EN CE TRES SAINT ET SACRE LIEU, CROY, CRAON, FLANDRES, RENTY. DE TA GRACE SOIT IMPARTY, QUI CY TE TEND ARME ET NOM, ET CHIMAY QUI ME FUT PARTY CROISSE EN CONCE, LOZ ET RENOM, WALBURGE DE BONNES MOEURS, NOBLE DE SANG ET DE VERTUS, FILLE AINEE DU COMTE DE MOEURS. SES DEUX GRANDS PERES FURENT DUCS, ET QUI FAIT ESTIMER PLUS, LE ARC D'ELLE FUT EMPEREUR CE TUMBEAU LUI EST MIS DESSUS, L'AME SOIT AU CIEL EN HONNEUR.

Charles de Croy, comte de Chimai, baron de Quiévrain et d'Etroeungt, seigneur d'Ecaussines et autres lieux, chevalier de la toison d'or et pair de Hainaut, fut créé prince de Chimai, par diplôme de Maximilien, roi des romains, donné à Aix-la-chapelle au mois d'avril 1486. Le 25 février 1500, il fut choisi comme parrain du fils de Philippe le Beau et lui donna son nom de Charles, en mémoire de son illustre aïeul, Charles le Hardi, duc de Bourgogne.

Le prince de chimai fit, en cette circonstance, cadeau à son filleul d'un heaulme d'or sur lequel estoit un phénix battant des aisles et sous icelles espandant grand estoc de feu, présage de la générosité de l'enfant.

Il fut gouverneur du jeune prince après la mort de Philippe, roi de Castille, et en 1515, il fut choisi pour conduire à Vienne la princesse Marie, soeur de Charles, qui devait épouser Louis, fils ainé de Ladislas, roi de Hongrie et de Bohême.

Ce seigneur avait épousé Louise d'Albert, dame d'Avesnes et autres lieux, soeur de Jean d'Albert, roi de Navarre, bisaïeul de Henri IV, roi de France, et fille d'Alain, sire d'Albert, comte de Dreux.

Charles de Croy mourut à Beaumont, le 2 septembre 1527 ; son corps repose à Chimai dans le caveau qui subsiste encore entre le choeur et la chapelle de Saint-Nicolas, où on lui érigea un superbe mausolée qui fut détruit en 1552 par les Gascons, dans leur guerre contre Charles-Quint et le roi de France.

Ce mausolée fut de nouveau reconstruit et magnifiquement orné par Charles de Croy, dernier du nom et duc d'Aerschot, l'an 1610.

En 1793, les Français, qui firent de l'église une écurie, avaient de nouveau complètement dégradé ce mausolée, qui fut depuis restauré par le prince de Chimai. Charles de Croy est représenté étendu, armé de pied en cap et les mains jointes ; sa tête est surmontée de la couronne princière ; ses pieds s'appuient contre un lion couché. Il porte le collier de la Toison d'or ; le corps est en partie enveloppé du manteau princier semé des hachettes qui écartèlent les armes de la maison de Croy. La statue est en marbre blanc et le sarcophage en marbre noir.

On lit sur un des côtés cette épitaphe :

ICY GIST TRES ILLUSTRE ET VERTUEUX PRINCE CHARLES DE CROY, PREMIER PRINCE DE CHIMAY, SEIGNEUR D'AVESNES, DE-BURIN, LILERS, MALANOIS, MAREUIL, ETC. EN SON TEMS PREMIER CHAMBELLAN A L'EMPEREUR CHARLES VE DE CE NOM, ESPOUS ET MARY A TRES NOBLE ET VERTUEUSE DAME LOUISE D'ALBRECHT, PRINCESSE DE CHIMAY, DAME D'AVESNES, ETC…, LEQUEL TRESPASSA LE 2E DE SEPTEMBRE 1527. PRIEZ DIEU POUR SON AME.

Sur l'autre face du sarcophage, on lit :

CESTE SEPULTURE A ESTE DE NOUVEAU ERIGEE PAR TRES ILLUSTRE ET TRES AXCELLENT PRINCE CHARLES, SIRE DE CROY ET D'ARSCHOT, PRINCE DE CHIMAY, L'AN 1610.

Sur l'arc sous lequel ce mausolée est placé sont peintes les armoiries des Croy-Chimay, de Moeurs, Bavière, Clèves, La Marck, Waldens, Lalaing-Craon et Barvençon.

Louise d'Albert mourut au château d'Avesnes, le 12 septembre 1535, et fut enterrée dans l'église d'Avesnes, où on lui érigea un monument surmonté d'une statue en albâtre. Ce monument tomba sous le marteu des démolisseurs, en 1793.

Philippe de Croy, duc de Sora et d'Ara, marquis d'Arschot, comte de Beaumont, châtelain héréditaire de Mons, pair de Hainaut, grand bailli, gouverneur et capitaine général de ce pays, gouverneur de Valenciennes, chef des finances aux Pays-Bas et généralissime de toutes les bandes d'ordonnances en 1548. Il mourut doyen des chevaliers de la Toison d'or au mois d'avril 1549, et fut entérré dans l'église des Célestins d'Héverlé.

Marié en premières noces à Anne de Croy, sa cousine, fille aînée et principale héritière de Charles de Croy, qui mourut le 6 août 1539 et fut enterrée en l'église d'Avesnes, il épousa en secondes noces Anne de Lorraine, veuve de René de Nassau, prince d'Orange, de Bar, et de Renée de Bourbon-Montpensier.

Charles de Croy, duc d'Arschot, prince de Chimai et du Saint-Empire, comte de Beaumont, baron de Quiévrain et autres lieux. Il épousa en première noces Louise de Lorraine, soeur de la reine Marie de Lorraine, femme de Jacques V, roi d'Ecosse, et fille de Claude de Lorraine, duc de Guise, et d'Antoinette de Bourbon-Vendôme ; et en secondes noces, Antoinette de Bougogne, fille d'Adolphe de Bougogne, seigneur de Beveren et d'Anne de Berghes.

Charles de Croy fut blessé mortellement par un traître et mourut à Quiévrain, le 24 juin 1551, sans laisser de postérité, il eut pour héritier son frère, qui suit :

Philippe de Croy, duc d'Aerschot et de Landrecies, prince de Chimai, comte de Beaumont, baron d'Araines, Héverlé, Quiévrain et autres lieux, né à Valenciennes le 10 juillet 1526, fut chevalier de la Toison d'or, ambassadeur d'Espagne à la diète de Francfort en 1562, gouverneur de la citadelle d'Anvers en 1577, gouverneur de Flandre en 1577 et en 1592, conseiller d'Etat et capitaine d'une compagnie de cinquante hommes d'armes ; il mourut à Venise, le 11 décembre 1595, après s'être acquis beaucoup de réputation durant les troubles des Pays-Bas, qu'il gouverna pendant l'absence du duc d'Albe. Il avait épousé en première noces Jeanne de Hallewyn, fille de Jean, seigneur d'Hallewyn et de Commines, et de Jossine de Lannoy, la-quelle mourut en la ville de Mons, le 5 décembre 1581, à l'âge de 37 ans. Son corps fut transporté à Beaumont et inhumé dans l'église de cette ville. Il épousa en 1582 en secondes noces Jeanne de Blois, fille aînée de Louis de Blois, seigneur de Tréton, et de dame Charlotte de Humières. Jeanne de Blois était veuve de Philippe de Lannoy, seigneur de Beauvais, amiral de vaisseau.

Anne de Croy, sa fille héritière de la terre de Quiévrain, épousa Charles d'Arenberg.

Maison d'Arenberg

Les armoiries de la maison d'Arenberg portent : de gueules, à trois fleurs de nefflier de cinq feuilles d'or.

Charles, comte d'Arenberg, premier prince de ce nom et du Saint-Empire, par diplôme de l'empereur Maximilien II, daté du 5 mai 1576, chevalier de la Toison d'or, amiral et chef des finances des Pays-Bas, naquit en 1550 ; il acquit de Henri IV, roi de France, la seigneurie d'Enghien, pour la somme de 270.000 livres. Ce prince qui joua un rôle important dans les événements politiques de son temps, mourut au château d'Enghien le 18 janvier 1616. Il fut enterré dans l'église des capucins de la même ville.

Il avait épousé, le 4 janvier 1587, Anne de Croy, duchesse d'Aerschot, grande d'Espagne, dame héritière de Quiévrain née le 4 janvier 1564, décédée le 26 février 1635 et enterrée près de son mari.

Philippe-Charles, prince d'Arenberg, chevalier de la Toison d'or, grand d'Espagne de première classe, gouverneur de Namur, baron de Quiévrain, naquit le 18 octobre 1587 au château de barbençon. Accusé d'avoir trempé dans une conspiration contre l'Espagne, il subit une longue captivité à Madrid, et y mourut le 25 septembre 1640. Son corps, rapporté en Belgique, fut inhumé dans le caveau de sa famille, au couvent des capucins d'Enghien.

Il avait épousé en premières noces Hippolyte-Anne de Melun, fille de Pierre de Melun, prince d'Epinoy, et d'Hippolyte de Montmorency, qui décéda le 16 février 1615 et fut inhumée à Quiévrain, il épousa en seconde noce le 29 juin 1620, claire-Isabelle de Berlaimont, fille de Florent, comte de Berlaimont, et de Marguerite de Lalaing, morte le 9 août 1630 et en troisième noces de Marie-Cléophe de Hohenzollern, veuve de Jean-Jacques, comte de Bronchorst, et d'Anhalt, fille de Charles, prince de Hohenzollern, et d'Elisabeth de Culembourg, laquelle décéda le 26 janvier 1685.

Philippe-François, duc d'Arenberg, d'Aerschot et de Croy, prince du Saint-Empire et de Rebecq, marquis de Montcornot, comte de Lalaing, baron de Quiévrain, chevalier de la Toison d'or, grand d'Espagne, capitaine de la garde bourguignonne de sa Majesté, amiral et capitaine général de la mer, gouverneur de la Franche-Comté en 1668, gouverneur et grand bailli de Hainaut, créé duc d'Arenberg par l'empereur Ferdinand III, le 9 juillet 1644, est mort à Bruxelles, le 17 décembre 1674.

Il avait épousé, en 1642, Madeleine-Françoise de Borgia, fille de François de Borgia, duc de Candie, comte d'Olivia, et d'Artémise Doria.

Charles-Eugène, duc d'Arenberg, né le 8 mai 1633, fut d'abord chanoine de Cologne et de Strasbourg, duc d'Arenberg, d'Aerschot et de Croy, baron de Quiévrain et autres lieux, après la mort de son frère Philippe, gouverneur et grand bailli de Hainaut, le 3 juin 1675, chevalier de la Toison d'or en 1678. Il mourut à Mons le 25 juin 1681, laissant trois enfants de Marie-Henriette de Cusance, veuve et héritière de Ferdinand-François-Juste de Rye, marquis de Varambon, et fille de Claude-François de Cusance, baron de Belvoir, et d'Ernestine de Withem, comtesse de sebourg. Cette dame mourut à Enghien le 21 juin 1700.

Philippe-Charles-François, duc d'Arenberg, prince du Saint-Empire et de Rebecq, marquis de Montcornet, comte de Lalaing, baron de Quiévrain, chevalier de la Toison d'or, général-major des armées de l'empereur Léopold, naquit le 10 mai 1663, et mourut à Peterwaradin en Hongrie, le 25 août 1691, des suites d'une blessure reçue à la bataille de Salatdemen, le 19 du même mois.

Ce personnage avait épousé, par contrat du 21 février 1684, Marie-Henriette del Caretto, morte le 22 février 1744, fille d'Othon-Henri, marquis del Caretto, de Savona et de Grana, comte de Millesimo, gouverneur des Pays-Bas, mort au château royal de Mariemont le 15 juin 1685, et de Marie, comtesse d'Eberstain.

Léopold-Philippe-Charles-Joseph, duc d'Arenberg, né à Mons le 14 octobre 1690, prince du Saint-Empire, marquis de Montcornet, comte de Lalaing, baron de Quiévrain, chevalier de la Toison d'or, feld-maréchal, gouverneur et grand bailli de Hainaut. Il entra de bonne heure dans l'armée, fit ses premières armes sous le prince Eugène, au siège de Tournai, puis assista à la bataille de Malplaquet où il reçut une blessure ; ayant fait ansuite la campagne de Hongrie, il revint dans notre pays en 1719, et mourut au château d'Héverlé, près de Louvain, le 4 mars 1754. Ce personnage avait épousé à Bruxelles, le 29 mars 1711 Marie-Françoise Pignateli, née le 4 juin 1696, morte le 3 mai 1766, fille de Nicolas Pignatelli, duc de Bisaccia, et de Marie-Claire-Angélique d'Egmont.

Charles-Léopold, duc d'Arenberg, prince du Saint-Empire, marquis de Montcornet, comte de Lalaing, baron de Quiévrain, chevalier de la Toison d'or, par création du 27 février 1757, grand'croix de l'ordre militaire de Marie-thérèse, de la promotion du 4 décembre 1758, grand d'Espagne de première classe, grand bailli et officier souverain du pays et comté de Hainaut, naquit à Enghien le 29 juillet 1721, fit partie de l'armée et fut blessé dangereusement, le 3 novembre 1760, à la bataille deTorgau donnée contre les prussiens. Il quitta l'armée peu de temps après et mourut à Enghien le 17 août 1778. Charles-Léopold avait épousé, le 18 juin 1748, Louise-Marguerite de la Marck, fille unique de Louis-Engelbert, comte de la Marck.

Louis-Pierre-Engelbert, duc d'Arenberg, grand d'Espagne, chevalier de la Toison d'or, prince de Porcean, baron de Quiévrain, né à Bruxelles, le 3 août 1750, épousa à Paris, le 19 janvier 1773, Pauline-Louise de Brancas-Lauraguais. Ayant perdu la vue par un accident de chasse, il se retira dans ses propriétés d'Enghien et d'Héverlé ; il y passa toute la période de la révolution française. Les qualités éminentes de son esprit le firent appeler au sénat par l'empereur Napoléon (19 mai 1806 ) ; il devint bientôt après grand officier de l'ordre de la réunion. Rentré à Bruxelles, après la restauration, il mourut le 7 mars 1820, laissant pour héritier le prince Louis d'Arenberg qui devint le chef de la famille at qui mourut le 27 février 1861. Le fils aîné de ce dernier, Engelbert-Auguste-Antoine d'Arenberg, membre héréditaire de la chambre des seigneurs de Prusse, chevalier de l'ordre de la Toison d'or, né à Bruxelles, le 11 mai 1824, décédé au chateau d'Héverlé le 28 mars 1875, avait épousé, le 27 mai 1868, sa parente Eléonore, duchesse d'Arenberg. Les propriétés du duc d'Arenberg de Quiévrain et environs ont été vendues en 1926 pour sortir d'indivision et rachetées en grande partie par la société anonyme Sucrerie Olivier à Quiévrain ( + de 250 ha, entre autre la ferme du Saulçoir ).

La destruction du château

Reportons-nous au départ de Baudouin IX de Hainaut (7/1171 Valenciennes - 20/7/1205 en croisade) pour la quatrième croisade, où l'accompagnent notamment Jacques d'Avesnes, Gérard de Jauche, Allard de Chimay, Gautier de Ligne, Ode de la Hamaide, Alman de Bavay, Baudry de Roisin et la plupart des cadets des grandes familles hennuyères. Quand le chat n'est pas là... Baudouin connaît la fable, aussi prend-il toutes ses précautions. Il confie la Régence au Marquis Philippe de Namur, avec charge de veiller sur sa femme Marie de Champagne (1174 - 9/8/1204) alors enceinte de Marguerite (la future Marguerite la Noire) et sur sa fille Jeanne qui avait 10 ans.
Baudouin confie encore le sort de son Comté à son oncle Guillaume, et appelle au Conseil de Régence le Sire de Comines, Gérard, le chancelier des Flandres, et le jeune Bouchard d'Avesnes. Là se trouvent les germes de la séparation future du Hainaut et de la Flandre, unis depuis le mariage de Baudouin et Richilde.
Après la mort de leur mère Marie de Champagne et la disparition, de leur père Baudouin IX de Hainaut en Bulgaries (ce qui eut pour effet de faire de son frère Henry, Seigneur d'Angre, l'Empereur de Constantinople), les choses tournent mal : Philippe Auguste (1180 - 1223), tout puissant roi de France, veut éviter à tout prix le mariage de Jeanne, sa nièce, avec un prince anglais. Aussi réclame-t-il, en conformité avec le droit coutumier, la garde noble des deux orphelines, achetant pour arriver à ses fins le Marquis de Namur.
Devant ce revirement, et non sans avoir adressé les reproches les plus vifs au félon par intérêt, on lui retire la Régence et l'on fait de Bouchard d'Avesnes le tuteur. C'est prendre l'aveugle après le borgne, car Bouchard se montre plus près de Paris encore que son prédécesseur. Philippe-Auguste veut alors assurer son avantage : il déclare solennellement Jeanne Comtesse de Flandre et de Hainaut, à l'exclusion de sa cadette.
Dès lors, les Flamands font des démarches pressantes pour que les deux enfants quittent la Cour de France. A défaut, et bien ils feront alliance avec l'Angleterre. Cet argument fait céder le Roi, d'autant plus que la Comtesse-Mère du Hainaut, Dame Mathilde, lui assure le futur mariage entre Jeanne et son neveu Ferrand, fils du roi du Portugal.
Voilà en effet qui ne risque guère d'alarmer Philippe-Auguste, qui acquiesce. Les auteurs ne s'accordent pas sur l'âge de l'épousée et la date du mariage. On marie d'ailleurs Jeanne plusieurs fois avec... le même époux, mais il semble qu'elle devait être âgée d'un peu plus de vingt ans, puisque le traité d'Aires et de Saint-Orner nous apprend que le Roi obligea Ferrand à céder en guise de dot les deux villes en question.
La noce, somptueuse, eut lieu à Paris, payée par... les deniers hennuyers et flamands. Une fois la fête terminée, les époux furent accompagnés par le prince Louis qui les laissa seuls après prise de possession d'Aires et de Saint-Omer. Ferrand de Portugal, mortifié par cet affront, sera à jamais un ennemi implacable de la couronne de France.

A cette époque, Marguerite, la cadette de Hainaut, n'a que dix ans. Mais qu'importe. Bouchard, à qui on l'a confiée contre salaire de trois mille livres sur les revenus de Flandre et de Hainaut, n'a pas accepté cette garde sacrée par noblesse de sentiment. Bouchard n'attendra pas l'âge canonique pour... épouser sa petite Marguerite. D'ailleurs, il est né malin.
Aimable, gentil, homme de guerre, avisé par ailleurs sans que l'on puisse voir la moindre incompatibilité entre ces qualités diverses, il sait se concilier des amitiés dans toutes les cours. Les plus grands recherchent son conseil, et cet homme, promis donc à un petit avenir, dépourvu d'apanage, fait son chemin. Il s'arme de patience, assiste en spectateur aux intrigues nouées par Philippe-Auguste pour marier Marguerite. Et quand la Comtesse-mère Mathilde lui dit, qu'après tout, s'il veut les dénouer, il n'a qu'à épouser lui-même la fillette, il bondit sur l'occasion. Le mariage a lieu au Quesnoy, en 1212. Malgré le jeune âge de l'épousée, il est immédiatement consommé, ainsi qu'en atteste le rapport du chef de maison, Gautier. En 1213, Marguerite donne naissance à un fils, Jean, et un an plus tard à un cadet, Baudouin.

Mais l'histoire s'accélère : voici que Philippe-Auguste convoque ses vassaux à Soissons. A l'ordre du jour : un front commun contre l'Angleterre. Ferrand, qui rumine sa rancoeur contre le Roi de France, grogne aussitôt : il ne marchera que si on lui rend Aires et Saint-Orner...
Et l'affaire tourne au vinaigre : le 27 juillet 1214, à Bouvines, Philippe-Auguste écrase la coalition des Anglais, des Flamands, des Bourguignons, des Namurois, des Limbourgeois, et de l'Empereur Otton IV.
Ferrand est mis aux fers, conduit à Paris, où il restera captif jusqu'en... 1226. Pour le libérer, il faut une rançon exorbitante : cinquante mille livres, vingt-cinq mille autres de garantie, et surtout Lille, Douai, l'Ecluse. C'est beaucoup. Et les Flamands de se plaindre de ce Ferrand qui coûte si cher, et de cette Comtesse qui paye et agit plus ainsi en femme qu'en souveraine.
A Bouvines, aux côtés de Ferrand, maints seigneurs de chez nous sont faits prisonniers, dont... Gautier de Quiévrain. Mais c'est alors que des bruits commencent à se répandre : Baudouin, le père, le grand-prince, ne serait pas mort en Bulgarie. On dit même qu'il s'est évadé, et qu'il revient prendre le sceptre des mains défaillantes de sa fille. Le drame en puissance est dans ce « retour » de celui que l'on n'attendait plus, greffé sur le scandale du siècle : voici que l'on prétend que Bouchard n'est pas plus prince que vous et moi, mais qu'il s'agit d'un sous-diacre qui a trompé tout son monde. Jean-ne somme immédiatement son beau-frère de se présenter à la Cour et de restituer sa soeur.
Mais celle-ci, la chère enfant, est amoureuse, et il ne reste dès lors à Jeanne qu'à écrire au Pape Innocent. Bouchard s'en vient présenter sa défense devant celui-ci, mais n'obtient qu'une reconnaissance de paternité légitime envers ses deux enfants, sa pénitence devant consister en une excursion chez les Infidèles. Quant aux dispenses requises pour la validation de son mariage, pas question !
Marguerite, après une plaidoirie larmoyante en faveur de son ex-mari devant la Cour de Hainaut, se console en épousant Dampierre, dont elle aura cinq enfants : Guillaume, Gui, Jean, Jeanne et Marie. Marguerite reportera la haine née contre son ex-époux sur les enfants conçus de lui, les faisant enfermer sept années durant dans un château d'Auvergne. Devant ces turpitudes, le peuple murmure, regrette son seigneur parti périr aux Croisades, et bafouille des mots terribles sur le passage de ses filles. Dans les campagnes du Hainaut, on commence à s'agiter. Ne dit-on pas qu'un ermite, dans certain bois du côté de Mons, se serait fait reconnaître comme le Comte Baudouin, et que les seigneurs de Quiévrain, Gautier et Nicolas, deviennent, de plus en plus, ses propagandistes. Philippe-Auguste, toujours remarquablement informé, comprend de suite le parti qu'il peut tirer de la chose. Et il recrute des mendiants, tous ceux qui lui pas-sent sous la main, leur ordonne de se répandre dans le Hainaut, et de se proclamer Baudouin, ancien Roi de Constantinople. On en voit partout : à Quiévrain, et même à Nivelles, recevant le même accueil enthousiaste de la part d'un peuple en véritable admiration. Mais un seul s'avère dangereux : le vrai Baudouin, ou celui qui pourrait l'être.
On dit que la Comtesse Jeanne, mise en présence d'un ermite, aurait parfaitement reconnu son père. Effrayée par les circonstances d'un tel retour, elle décide de l'exiler... du côté de Cocars. Persuadée de son bon droit par rapport aux autres mendiants, elle commence par leur donner la chasse, faisant pendre les uns, rouer de coups les autres. Mais il y en a un qui va lui donner plus de fil à retordre : soutenu par les gens de Quiévrain, accompagné d'une petite armée et de quelques seigneurs, ce personnage pénètre à Valenciennes en compagnie de Gautier de Quiévrain. Ce sera l'occasion d'une fastueuse ripaille de quinze jours, jusqu'à ce que la Comtesse fasse mine de mettre le siège devant la ville. Le faux Comte et ses plus chauds partisans, dont Gautier et Nicolas de Quiévrain, ainsi que le prévost Gautier de Forest, prennent la fuite. On se rassasie, une fois encore, au château de Quiévrain, puis on gagne Nivelles, d'où l'escroc s'enfuira... jusqu'à Rougemont en Bourgogne, où on lui met la main au collet.

Ménestrier, jongleur, coureur, mendiant, l'homme se présente : Je me nomme Bertrand De Rains, né du côté de Vitry-sur-Marne, fils de Pierre, et je me suis bien amusé de toute cette affaire. Le croiriez-vous, Dame Comtesse : tout le monde voulait voir en moi le seigneur Comte-Empereur Baudouin, et le farceur que je suis a bien failli devenir le maître de cette terre ». La gaudriole du jongleur va lui coûter cher : on le fait promener dans les villes où il a été accueilli naguère en triomphateur. La corde au cou, les pieds enferrés, traîné par un cheval. Il est déjà mi-mort quand on le place au pilori de Lille, avant que son corps ne soit dépecé par les oiseaux de proie au gibet situé près de l'abbaye de Loos. Quant au château de Quiévrain, où l'affabulateur a été reconnu et reçu, on le met en pièces par ordre de la Comtesse. Les terres des seigneurs du lieu placées sous séquestre ne reviendront en leur possession que quelques années plus tard, à l'occasion d'un pardon général.